Transition·s

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L’Accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre 2016, après avoir été ratifié par cinquante-cinq États représentant cinquante-cinq pour cent des émissions globales de gaz à effet de serre, pour répondre à l’urgence que représente le réchauffement climatique. Les scientifiques continuent en effet d’alerter sur les conséquences catastrophiques des dérèglements climatiques tels que la montée des eaux, les événements météorologiques extrêmes et la disparition de la biodiversité.

L’Ac­cord vise à unir les efforts inter­na­tio­naux pour conte­nir la concen­tra­tion de dioxyde de carbone dans l’at­mo­sphère et main­te­nir ainsi la hausse moyenne des tempé­ra­tures à un degré et demi, en réfé­rence aux niveaux pré-indus­triels. Quoique chaque pays dispose de sa propre stra­té­gie, l’Ac­cord prévoit de réduire massi­ve­ment les émis­sions de gaz à effet de serre, de sorte que, au cours de la seconde moitié du XXIe siècle, les émis­sions restantes puissent être réab­sor­bées natu­rel­le­ment, ou arti­fi­ciel­le­ment. C’est le scéna­rio « zéro émis­sion nette ».

Force est de consta­ter que tous les pays ne tiennent pas leurs enga­ge­ments, aussi bien en termes de trajec­toire d’émis­sions que de finan­ce­ment des écono­mies émer­gentes, les plus vulné­rables, pour se prépa­rer aux consé­quences des dérè­gle­ments clima­tiques. Ces enga­ge­ments s’ap­puient de surcroît sur des solu­tions indus­trielles exis­tantes, mais égale­ment sur des tech­no­lo­gies en deve­nir telles que la capture du carbone, la fusion nucléaire, les e-fuels ou encore l’éner­gie solaire dans l’es­pace inter­si­dé­ral.

Même si le constat peut en décou­ra­ger plus d’un·e, il convient toute­fois de garder le cap et de rele­ver, de toutes les manières possibles, ce défi plané­taire. Ce que font déjà certain·es desi­gners : par la plani­fi­ca­tion de villes peuplées d’algues et de cyano­bac­té­ries, par l’orien­ta­tion des habi­ta­tions, par la qualité des reflets du soleil ou encore par la sous­trac­tion, iels explorent les possi­bi­li­tés maté­rielles, expé­rien­tielles ou émotion­nelles d’une tran­si­tion élar­gie.

Tran­si­tion en trompe-l’œil

Une tran­si­tion éner­gé­tique vers zéro émis­sion nette, seule voie viable, permet d’ima­gi­ner une écono­mie en crois­sance et durable. Au début de l’an­née 2025, cette réalité est à conso­li­der. Il est vrai que certains pays ont réduit en partie leurs émis­sions carbone, que la consom­ma­tion d’éner­gie per capita a dimi­nué dans quelques pays comme la Suisse, et que la part des éner­gies renou­ve­lables ne cesse d’aug­men­ter ces dernières années. Mais, à bien regar­der les chiffres, on n’a jamais autant consommé de char­bon, de pétrole et de gaz qu’aujour­d’hui. Comment se fait-il alors qu’on soit convaincu d’une tran­si­tion éner­gé­tique en bonne voie ?

Il semble­rait que des projec­tions sous forme de graphiques – donc des fictions – passent pour crédibles, au point d’être accep­tées comme une réalité. Ayons en tête ce qui s’est produit avec le bois, le char­bon et le pétrole : tous les cinquante ou cent ans, une éner­gie rempla­ce­rait une autre comme source d’éner­gie domi­nante. Or il ne s’agit pas d’un rempla­ce­ment mais plutôt d’une accu­mu­la­tion qui se traduit par un mix éner­gé­tique chaque jour plus impor­tant en volume et plus divers en origine[1]. Mis à part la biomasse (essen­tiel­le­ment le bois), on se rend compte qu’il n’y a aucune source d’éner­gie, aujour­d’hui, pour laquelle on peut parler de « pic », et aucune d’entre elles n’a vu sa consom­ma­tion bais­ser, bien au contraire. Jusqu’à présent, il n’y a jamais eu de « tran­si­tion éner­gé­tique » d’une source vers une autre à l’échelle mondiale. Il est grand temps d’y remé­dier.

Depuis cinquante ans, des histo­grammes montrent la part rela­tive de chaque source d’éner­gie dans la produc­tion et la consom­ma­tion d’éner­gie totale – et non leur valeur abso­lue. Là se situe le subter­fuge : en montrant les parts rela­tives sans les cumu­ler, on a l’im­pres­sion d’une dimi­nu­tion des éner­gies fossiles. L’idée d’une tran­si­tion éner­gé­tique en cours repose ainsi sur une repré­sen­ta­tion graphique bâtie de toutes pièces. Un regard critique sur la repré­sen­ta­tion de ces données est plus que jamais indis­pen­sable pour rele­ver le défi qui nous attend, chacun.e, à tous les niveaux.

[1] Voir https://ourworl­din­data.org/grapher/global-energy-substi­tu­tion consulté le 9 janvier 2025.