Alchimie

L’ate­lier verrier surnommé Forges des Anges doit son exis­tence à un homme, Egidio Costan­tini, dont le parcours atypique ne le prédes­ti­nait pas à révo­lu­tion­ner le monde du verre. En effet, il se fami­lia­rise avec le travail des arti­san·e·s de Murano sur le tard après avoir exercé diffé­rents métiers. Attristé par la produc­tion en masse d’objets en verre à desti­na­tion des touristes visi­tant Venise, Costan­tini souhaite redon­ner ses lettres de noblesse à ce maté­riau en l’uti­li­sant comme médium artis­tique.

Ainsi, à partir de 1950, il réali­sera plus d’une centaine d’œuvres en colla­bo­ra­tion avec des artistes aux univers variés. Sur la base d’esquisses imagi­nées par ces dernier·è­re·s, le verrier donne vie à des créa­tions sculp­tu­rales dans lesquelles il parvient à insuf­fler sa propre sensi­bi­lité. Costan­tini dira même : « […] le dessin dispa­raît peu à peu et l’œuvre nouvelle fait surgir l’âme de l’ar­tiste et celle du verrier ».

Ses multiples colla­bo­ra­tions seront saluées par la critique et susci­te­ront, par l’en­tre­mise de la collec­tion­neuse améri­caine Peggy Guggen­heim, l’in­té­rêt des amateur·­tri­ce·s privé·e·s à l’in­ter­na­tio­nal. Le maître de la Forge des Anges se révèle comme une person­na­lité unique qui, au-delà du travail de créa­tion, a su nour­rir une réelle compli­cité avec les plus grand·e·s artistes de son temps.

Peter et Traudl Engel­horn, un couple amateur d’art rési­dant dans le canton de Vaud, était passionné par les inté­res­santes possi­bi­li­tés artis­tiques et tech­niques que le verre offre aux artistes. Tous deux avaient eu connais­sance d’une collec­tion de sculp­tures de verre, née de l’in­té­res­sante colla­bo­ra­tion entre des artistes contem­po­rain·e·s et le maître d’ate­lier Egidio Costan­tini. Il acquière ainsi 36 de ces pièces, créées entre 1959 et 1970, auxquelles se sont ajou­tées deux pièces en 1991.

En 1970, les Engel­horn décident de faire don de leur collec­tion d’art verrier contem­po­rain au Musée des arts déco­ra­tifs de la Ville de Lausanne – aujour­d’hui devenu le mudac, Musée canto­nal de design et d’arts appliqués contem­po­rains. La conven­tion de dona­tion entre Peter Engel­horn et la Ville de Lausanne est signée le 29 mars 1971 et les pièces créées à la Forge des Anges rejoignent ainsi la collec­tion du mudac. Toutes sont accom­pa­gnées d’at­tes­ta­tions, signées et datées par Egidio Costan­tini et gravées du nom de l’ar­tiste et de celui de la Fucina degli Angeli.

L’ex­po­si­tion Alchi­mie présente égale­ment un ensemble d’œuvres contem­po­raines d’art verrier extraites de la collec­tion du mudac et, pour certaines, expo­sées pour la première fois. Ces pièces attestent à diverses égards de l’hé­ri­tage de ce mouve­ment cente­naire chez les artistes d’aujour­d’hui. Elles rappellent que le surréa­lisme n’a eu de cesse de célé­brer une liberté totale et contri­bue encore de nos jours à offrir une forme d’échap­pa­toire au monde réel.