Où se niche le précieux dans le bijou contemporain?
Le mudac conserve deux ensembles remarquables de bijoux contemporains, sa propre collection et celle de la Confédération, en dépôt, pour laquelle il procède à de nouvelles acquisitions. Fortes de près de 200 pièces, ces collections reflètent l’étonnante évolution de ce domaine en perpétuelle ébullition. Le mudac devient le premier musée de Suisse à se doter d’une exposition permanente de bijoux contemporains. Il consacre à ces collections une première exposition thématique: Où se niche le précieux dans le bijou contemporain?
Le bijou, si l’on se réfère à sa définition traditionnelle, est un petit objet ouvragé précieux par la matière ou par le travail et servant à la parure. Lorsque les bijoutiers contemporains s’emparent des métaux traditionnels utilisés pour la fabrication de parures, ils bousculent les conventions: l’or est griffé, brossé, l’argent est noirci, blanchi, dépoli. Ils acquièrent ainsi une patine bien éloignée du brillant généralement associé à la parure occidentale.
Si le bijou est réalisé en matériaux vils, la préciosité apparaît dans la transcendance de ceux-ci. Le film en plastique alimentaire devient perle, le billet de banque, camée. Les rebuts de notre société de consommation vivent à nouveau dans des bijoux qui magnifient leur forme. L’ingéniosité déployée par certains créateurs pour repenser les systèmes de fixation, pour réinventer les attaches du bijou, indissociable du corps ou du vêtement sur lequel il se pose, attestent d’une recherche raffinée. Et par- dessus tout, le point commun entre toutes les œuvres présentées ici est le très grand soin apporté à leur réalisation. Ces bijoux témoignent de l’intelligence de la main.
Le bijou contemporain: repères
Le bijou contemporain s’est affranchi, dès les années soixante, d’une tradition considérée comme dévitalisée et d’une production industrielle inféodée aux lois du marché. Revendiquant un statut artistique à travers la diversité des esthétiques (du minimalisme puriste à la fantaisie débridée, de l’abstraction à la figuration), les créateurs ont été nombreux à dépasser la fonction décorative pour s’interroger sur les dimensions sociales, culturelles et relationnelles du bijou.
Dans les années quatre-vingt, le bijou contemporain s’est montré clairement contestataire. Explorant ses limites, utilisant quelquefois la performance et l’installation, il s’est rapproché de l’art contemporain. Toutefois depuis une vingtaine d’années, le bijou contemporain est autant le lieu de manifestes que le moyen de revendiquer, en toute liberté, une expression tout individuelle, celle du créateur autant que celle de l’acquéreur.