Mastering Design
Comment le design est-il enseigné aujourd’hui ? Une école de design a-t-elle un style particulier ? Quelle notion du design véhicule-t-elle ? Que deviennent les étudiants qui sortent d’une école de design ? Ont-ils une influence sur le marché, sur l’industrie, sur nos comportements ? L’approche du design a-t-elle évolué au fil des décennies ?
Que révèlent les projets de jeunes diplômés sur le design actuel ?
L’exposition Mastering Design présente 24 travaux – soit 12 par école – de diplômés et d’anciens étudiants (alumni) de deux écoles de design européennes réputées internationalement : la Design Academy Eindhoven (DAE) et le Royal College of Art (RCA) de Londres. Cette manifestation va bien au-delà de la simple plate-forme promotionnelle. Elle permet d’aborder les thématiques retenues par les designers de demain et de cerner la notion même de design telle qu’elle est enseignée dans ces deux institutions.
De 2003 à 2011, tous les deux ans, le mudac a accueilli les Prix fédéraux de design, qui montraient les projets récompensés par le jury de la Commission fédérale de design. L’habitude avait donc été prise d’ouvrir nos espaces à
des designers fraîchement sortis d’une école. Par ailleurs, le mudac a toujours étroitement collaboré avec l’ECAL, /Ecole cantonale d’art de Lausanne, exposant régulièrement des pièces réalisées par ses étudiants. L’étape suivante – aller « voir ailleurs » et proposer à des écoles internationales de participer à une exposition au mudac – paraissait ainsi presque logique. L’originalité de l’approche du design pratiquée par la Design Academy Eindhoven et le Royal College of Art de Londres a très rapidement orienté notre choix vers ces deux écoles.
Les travaux sont exposés par thèmes, indépendamment des écoles dont ils proviennent. On découvre des problématiques et des solutions qui dépassent largement la notion de fonctionnalisme généralement associée au design.
On peut notamment citer une série de propositions autour de la fabrication ou de la recherche sur les matériaux : volonté de maîtriser et de simplifier le processus de création, de l’origine du projet à sa réalisation pratique sans devoir se plier aux contraintes de l’industrie (Mischer/Traxler, Anton Alvarez, Ohaly/Vailly) ; réactualisation de techniques artisanales traditionnelles mises au goût du jour (Studio Formafantasma, Jorge Manes Rubio) ; fabrication de nouveaux matériaux avec des techniques propres (Silo Studio) ou application de technologies de pointe à des matériaux classiques (Tristan Girard).
Dans un autre ordre d’idée, certains designers s’intéressent à nos comportements et tentent de remettre en question notre relation à l’objet. L’exposition présente ainsi des projets qui recherchent une application destinée à un
public minoritaire (Lingjin Yin). Le questionnement sur les normes et les objets traités de manière décalée (Sandra Fruebing, Aurélie Hoegy, Bora Hong) côtoie l’objet symbole, transitionnel, ou celui qui matérialise certains états d’esprit (Hilda Hellstrom, Jon Stam). Enfin, la fameuse frontière entre design et art, objet-utilitaire ou objet-manifeste, est sans cesse relancée ou rejouée (Alicia Ongay Perez, Tuomas Markunpoika Tulvanen).
Le design tel qu’il est enseigné de nos jours n’hésite pas à intégrer les nouvelles technologies dans une approche prospective, critique et spéculative. La question de nos pratiques futures en médecine et biologie n’échappe pas à certains designers (Koby Barhad, Agatha Haines). Le passé revisité par le présent (Marguerite Humeau), le traitement de l’information (Monica Alisse) ou les absurdités de l’industrie électro-ménagère (Thomas Thwaites) occupent aussi l’esprit des jeunes créateurs. Enfin, certains designers imaginent des objets intelligents et bien conçus, parfois à construire soi-même à partir d’une panoplie de base (Tom Jarvis, Wei Lun Tseng, prodUSER, Poh-Chi Lai).
Chacune à sa manière, la Design Academy Eindhoven et le Royal College of Art proposent une vision kaléidoscopique du design. Un design curieux, provocateur, inventif, réflectif, insolent, parfois fictif mais toujours… à dessein.