Chronologie sélective des objets solaires
Il existe une longue tradition d’objets conçus pour interagir avec le soleil. Certain·es designers comporain·es la réactivent à l’heure de la transition énergétique. Iels explorent les dimensions esthétiques et sociales, propres à l’énergie solaire, dans les objets qu’iels conçoivent.
L’invention du gnomon
Il y a environ quatre mille ans, les populations qui occupaient la Chine actuelle ont commencé à suivre la position changeante du Soleil par rapport à la Terre en observant l’astre tout au long de l’année, grâce à des ouvertures dans ce qui ressemblait à un observatoire solaire. Plus tard, elles ont développé une méthode plus précise en inventant le gnomon, une pièce de bois ou de pierre à section carrée, plantée perpendiculairement dans le sol. À mesure que le Soleil se déplaçait dans le ciel par rapport à la Terre, elles pouvaient mesurer l’ombre projetée par les rayons frappant le gnomon. Cette méthode est à l’origine de la création de calendriers qui datent précisément les équinoxes et les solstices. Par son intermédiaire, des progrès géographiques ont été possibles, en déterminant orientation et latitude pour chaque position.
En 2002, un bâton marqué d’une échelle graduée (2300–1900 avant notre ère) a été découvert sur le site archéologique de Taosi (province du Shanxi), dans un tombeau royal, suggérant que le gnomon était un symbole de pouvoir. Des simulations récentes ont montré que ce bâton aurait pu être utilisé pour mesurer la longueur des ombres à des dates précises, comme le solstice d’été.
Le Yang Sui ou miroir ardent
Yang Sui est le nom d’un miroir concave, également appelé Jin Shu, parce qu’il était fabriqué en bronze. Confucius, en décrivant la vie en Chine il y a trois mille ans avant notre ère, mentionne que chaque fils attachait un miroir ardent en bronze à sa ceinture pour allumer le feu familial à la fin d’une journée ensoleillée. Le Yang Sui, de huit centimètres de diamètre environ, était aussi courant à l’époque que les allumettes le sont aujourd’hui.
En 1997, des archéologues ont découvert un miroir ardent dans la main d’un squelette datant de trois mille ans avant notre ère.
Les miroirs d’Archimède
Selon la légende, Archimède aurait utilisé des miroirs ardents pour enflammer la flotte romaine lors du siège de Syracuse, en 213–212 avant notre ère. Les preuves historiques sont loin de s’accorder et les principaux défenseurs de cette légende sont peu convaincants. Des expériences modernes suggèrent qu’un miroir ardent serait en effet peu susceptible de produire une étincelle puis un feu sur un navire. Quoi qu’il en soit, le fantasme d’une arme utilisant la concentration des rayons du soleil s’est déployé au fil des siècles.
En France au XVIIIᵉ siècle, le comte de Buffon est parvenu à enflammer une cabane en bois, et même à faire fondre du métal, à l’aide d’un miroir composé de 168 glaces étamées. Son expérience, qu’il a reproduite avec succès devant le roi Louis XV, lui a valu les honneurs des gazettes de l’époque, lui décernant le titre de « nouvel Archimède ».
L’héliothermomètre, une serre miniature
En 1767, Horace Bénédicte de Saussure, physicien, géologue et naturaliste genevois, crée un piège à chaleur en verre qu’il nomme héliothermomètre. Sa boîte, véritable serre miniature, permet d’étudier les effets calorifiques des rayons du soleil : elle donne les mêmes mesures à différentes altitudes alors que la température de l’air extérieur varie. Saussure en déduit que, si l’air des sommets est plus froid, la raison est à chercher dans le fonctionnement de l’atmosphère et non dans une différence de rayonnement solaire.
Sa boîte servira de prototype aux modules solaires thermiques des XIXe et XXe siècles, capables de fournir de l’eau chaude, du chauffage et de l’électricité. Au début des années 1800, le mathématicien français Joseph Fourier utilisera l’héliothermomètre pour modéliser le réchauffement climatique. Il observera que l’atmosphère permet à la lumière du soleil de pénétrer tout en piégeant une partie de sa chaleur : il s’agit de l’effet de serre.
Augustin Mouchot, précurseur de l’énergie solaire
L’inventeur français compte plusieurs innovations majeures à son actif. Il a conçu un concentrateur solaire parabolique pour chauffer de l’eau et produire de la vapeur. Il a construit une machine solaire utilisant cette vapeur pour actionner une pompe, démontrant ainsi l’application mécanique de l’énergie solaire. Toujours en quête de nouvelles applications, Mouchot arrive à Alger le 6 mars 1877 pour travailler avec l’armée coloniale. Il teste sans tarder un four solaire amélioré : un réflecteur conique tronqué et, servant de chaudière, un pot métallique cylindrique en verre placé au centre du réflecteur. L’ensemble pèse de treize à dix-huit kilos ; il peut être plié et rangé dans une caisse de 130 cm². Devant témoins, Mouchot a cuit une livre de pain en quarante-cinq minutes, neuf cents grammes de pommes de terre en une heure, un ragoût de bœuf en trois heures, et un rôti en moins de trente minutes !
Le premier chauffe-eau solaire à la vente
En 1882, le physicien Samuel P. Langley utilise une boîte solaire pour chauffer de l’eau lors de son ascension du mont Whitney, en Californie, par un temps extrêmement froid. En s’inspirant de cette expérience, l’Américain Clarence Kemp brevette, en 1891, une méthode combinant l’exposition de réservoirs métalliques au soleil avec l’effet de serre, de manière à améliorer la collecte et la rétention de la chaleur solaire. Il nomme son invention Climax, pour en faire le premier chauffe-eau solaire destiné à la vente.
Une pendule « éternelle »
En 1950, la maison genevoise Patek Philippe lance une nouvelle pendule. Alimentée grâce à des cellules solaires au sélénium, elle associe une horloge mécanique conventionnelle à un moteur photoélectrique. La petite quantité d’électricité produite est envoyée directement au moteur, qui fait tourner un engrenage pour remonter le ressort. Quatre heures de lumière suffiraient à son fonctionnement. Cette invention a précédé de plusieurs années le premier mouvement automatique pour montre-bracelet.
Une petite automobile solaire
Le 31 août 1955 au salon automobile Powerama, à Chicago, William G. Cobb, employé chez General Motors, présente Sunmobile, la première automobile miniature alimentée par l’énergie solaire. Elle mesure trente-huit centimètres de long et intègre douze cellules photoélectriques en sélénium.
Le premier poste radio solaire
En avril 1956, la marque américaine Admiral lance la série 7L des premières radios portables à transistors alimentées à l’énergie solaire. Disponibles en quatre couleurs, ces radios coûtent 59,95 dollars et fonctionnent avec des piles, ou grâce au Sun Power Pak optionnel pour une alimentation directe par la lumière du soleil ou une ampoule incandescente. Ce modèle de radio, équipé de trente-deux cellules solaires en silicium, est un des premiers produits photovoltaïques grand public. Malgré l’enthousiasme initial, ses ventes sont décevantes en raison du prix élevé. Aujourd’hui, la série 7L avec ses panneaux solaires, bien que rare, fonctionne encore très bien.
La Solar Do-Nothing Machine pour jouer
En 1957, à la demande de l’entreprise américaine Alcoa (Aluminum Company of America), les designers Charles et Ray Eames conçoivent un jouet : des formes colorées tournent et oscillent grâce à des moteurs alimentés par un petit panneau solaire. Des miroirs sont utilisés pour concentrer la lumière sur les cellules solaires. L’ensemble est réalisé en aluminium. La Solar Do-Nothing Machine vise à promouvoir l’ingéniosité états-unienne et à entraîner les gens vers un avenir positif.
Le premier satellite à énergie solaire
En 1955, le Naval Research Laboratory réfléchit à l’utilisation de l’énergie solaire pour alimenter des satellites. La légèreté, la durabilité et le caractère renouvelable des panneaux photovoltaïques en font des matériaux particulièrement adaptés aux applications spatiales. L’expérimentation se concrétise avec le lancement du satellite Vanguard 1 le 17 mars 1958. Bien qu’il soit le quatrième satellite artificiel lancé depuis la Terre, équipé d’un petit panneau solaire d’un watt environ, Vanguard 1 est le premier à utiliser l’énergie solaire et à prouver la viabilité de l’énergie solaire dans l’espace. Grâce à lui, d’autres satellites américains fonctionneront pendant des années dans l’environnement hostile de l’espace, ouvrant la voie à de futures innovations dans le domaine des énergies renouvelables.
Le premier avion solaire
Le 4 novembre 1974, les frères Roland A. et Robert J. Boucher font voler le premier avion solaire sans pilote, baptisé Sunrise, au-dessus du désert des Mojaves, en Californie. Le premier vol dure vingt minutes à cent mètres d’altitude. L’avion dispose de 4 096 cellules solaires sur son aile pour une puissance de 450 W. Son succès mène à la construction du Sunrise II en 1975, financé par la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa). Ce nouvel avion, d’une envergure de 9,75 mètres, identique au premier modèle, est équipé de 4 480 cellules solaires pour une puissance de 600 W, et d’un système de batterie pour son contrôle. Il a effectué, avec succès, plusieurs vols avant d’être endommagé par une tempête de sable.
La première calculatrice solaire à visée commerciale
Première calculatrice solaire à être produite en série, la Sharp Sunman EL-8026 utilise des cellules à couches minces à peine développées. Elle est une version améliorée du modèle EL-8020, munis de piles. Son design distinctif présente deux modules solaires Sharp EL-225 montés à l’arrière, orientés à l’opposé de l’écran. Le module antérieur, l’EL-224, était conçu pour des infrastructures professionnelles plus grandes, tels les phares et les installations hors réseau.
L’exploit de la Quiet Achiever
Conçue par l’ingénieur et aventurier australien Hans Tholstrup, la Quiet Achiever est une voiture solaire restée dans l’histoire. Elle a réussi à parcourir une distance de quatre mille kilomètres à travers l’Australie, de Perth à Sydney, entre le 19 décembre 1982 et le 7 janvier 1983. Cette traversée, réalisée par Hans Tholstrup et le pilote automobile Larry Perkins, est un exploit majeur, prouvant la capacité de la voiture solaire à parcourir de longues distances grâce à l’énergie solaire.
Des cellules solaires dans les vêtements
Wearable Solar est un projet de recherche sur les possibilités d’intégration de cellules solaires dans les textiles. Deux modèles en particulier ont été créés en 2013 : le Wearable Solar Dress et le Wearable Solar Coat. Septante-deux cellules solaires flexibles à couches minces sont fixées en paires sérielles, maintenues par des fentes dans le cuir de la robe. Cette disposition lui permet de tomber librement, réduisant la contrainte mécanique sur les cellules. Les prototypes en cuir ou en laine (manteau) peuvent révéler les cellules solaires au soleil ou les replier pour les rendre invisibles. La structure interne des modules solaires, réalisée par superposition, imite les cellules stratifiées du corps humain, interagissant naturellement avec la lumière du soleil et transformant le corps en une source d’énergie renouvelable. Une heure de plein soleil permet ainsi de recharger un smartphone de moitié. Pauline Van Dongen, créatrice néerlandaise de mode, Christiaan Holland, chef de projet au Gelderland Valoriseert de l’Université des sciences appliquées d’Arnhem (HAN), et Gert Jan Jongerden, expert en énergie solaire, sont à l’origine de ce projet.
Homme utilisant un miroir ardent Yang Sui pour cuire des aliments. Image extraite d'une animation présentée dans l'exposition "The Sun : Living with Our Star"
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Reconstruction d’un miroir ardent d’Archimède, supposé avoir été conçu pour brûler la flotte romaine attaquant Syracuse en 212 av. J.-C., tirée de Apiaria universae philosophiae mathematicae
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Le concentrateur parabolique d’énergie solaire d’Augustin Mouchot est présenté à l’Exposition universelle de 1878 à Paris. Il produit de la glace, obtenue à l’aide d’un jet de vapeur dirigé dans un appareil à ammoniaque. Mouchot y expérimente également la conversion de l’énergie solaire en courant électrique. Images tirées du Monde Illustrée, 1878.
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Horloge présentée dans un article de Europa Star Eastern Jeweller 18, 1953.
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Article tiré de Popular Science, n°inconnu, 1955, p156
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Illustration de Vanguard 1 dans l’espace
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Lancement de Sunrise II
© Courtoisie de Robert Boucher
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