Chro­no­lo­gie sélec­tive des objets solaires

Il existe une longue tradi­tion d’objets conçus pour inter­agir avec le soleil. Certain·es desi­gners compo­rain·es la réac­tivent à l’heure de la tran­si­tion éner­gé­tique. Iels explorent les dimen­sions esthé­tiques et sociales, propres à l’éner­gie solaire, dans les objets qu’iels conçoivent.

4000 ans avant notre ère
3000 ans avant notre ère
212 ans avant notre ère
1767
Années 1870
1891
1950
1955
1956
1957
1958
1974
1976
1982-1983
2013

L’in­ven­tion du gnomon

 

Il y a envi­ron quatre mille ans, les popu­la­tions qui occu­paient la Chine actuelle ont commencé à suivre la posi­tion chan­geante du Soleil par rapport à la Terre en obser­vant l’astre tout au long de l’an­née, grâce à des ouver­tures dans ce qui ressem­blait à un obser­va­toire solaire. Plus tard, elles ont déve­loppé une méthode plus précise en inven­tant le gnomon, une pièce de bois ou de pierre à section carrée, plan­tée perpen­di­cu­lai­re­ment dans le sol. À mesure que le Soleil se déplaçait dans le ciel par rapport à la Terre, elles pouvaient mesu­rer l’ombre proje­tée par les rayons frap­pant le gnomon. Cette méthode est à l’ori­gine de la créa­tion de calen­driers qui datent préci­sé­ment les équi­noxes et les solstices. Par son inter­mé­diaire, des progrès géogra­phiques ont été possibles, en déter­mi­nant orien­ta­tion et lati­tude pour chaque posi­tion.

En 2002, un bâton marqué d’une échelle graduée (2300–1900 avant notre ère) a été décou­vert sur le site archéo­lo­gique de Taosi (province du Shanxi), dans un tombeau royal, suggé­rant que le gnomon était un symbole de pouvoir. Des simu­la­tions récentes ont montré que ce bâton aurait pu être utilisé pour mesu­rer la longueur des ombres à des dates précises, comme le solstice d’été.

Le Yang Sui ou miroir ardent

 

Yang Sui est le nom d’un miroir concave, égale­ment appelé Jin Shu, parce qu’il était fabriqué en bronze. Confu­cius, en décri­vant la vie en Chine il y a trois mille ans avant notre ère, mentionne que chaque fils atta­chait un miroir ardent en bronze à sa cein­ture pour allu­mer le feu fami­lial à la fin d’une jour­née enso­leillée. Le Yang Sui, de huit centi­mètres de diamètre envi­ron, était aussi courant à l’époque que les allu­mettes le sont aujour­d’hui.

En 1997, des archéo­logues ont décou­vert un miroir ardent dans la main d’un sque­lette datant de trois mille ans avant notre ère.

Les miroirs d’Ar­chi­mède

 

Selon la légende, Archi­mède aurait utilisé des miroirs ardents pour enflam­mer la flotte romaine lors du siège de Syra­cuse, en 213–212 avant notre ère. Les preuves histo­riques sont loin de s’ac­cor­der et les prin­ci­paux défen­seurs de cette légende sont peu convain­cants. Des expé­riences modernes suggèrent qu’un miroir ardent serait en effet peu suscep­tible de produire une étin­celle puis un feu sur un navire. Quoi qu’il en soit, le fantasme d’une arme utili­sant la concen­tra­tion des rayons du soleil s’est déployé au fil des siècles.

En France au XVIIIᵉ siècle, le comte de Buffon est parvenu à enflam­mer une cabane en bois, et même à faire fondre du métal, à l’aide d’un miroir composé de 168 glaces étamées. Son expé­rience, qu’il a repro­duite avec succès devant le roi Louis XV, lui a valu les honneurs des gazettes de l’époque, lui décer­nant le titre de « nouvel Archi­mède ».

L’hé­lio­ther­mo­mètre, une serre minia­ture

 

En 1767, Horace Béné­dicte de Saus­sure, physi­cien, géologue et natu­ra­liste gene­vois, crée un piège à chaleur en verre qu’il nomme hélio­ther­mo­mètre. Sa boîte, véri­table serre minia­ture, permet d’étu­dier les effets calo­ri­fiques des rayons du soleil : elle donne les mêmes mesures à diffé­rentes alti­tudes alors que la tempé­ra­ture de l’air exté­rieur varie. Saus­sure en déduit que, si l’air des sommets est plus froid, la raison est à cher­cher dans le fonc­tion­ne­ment de l’at­mo­sphère et non dans une diffé­rence de rayon­ne­ment solaire.

Sa boîte servira de proto­type aux modules solaires ther­miques des XIXe et XXe siècles, capables de four­nir de l’eau chaude, du chauf­fage et de l’élec­tri­cité. Au début des années 1800, le mathé­ma­ti­cien français Joseph Fourier utili­sera l’hé­lio­ther­mo­mètre pour modé­li­ser le réchauf­fe­ment clima­tique. Il obser­vera que l’at­mo­sphère permet à la lumière du soleil de péné­trer tout en piégeant une partie de sa chaleur : il s’agit de l’ef­fet de serre.

Augus­tin Mouchot, précur­seur de l’éner­gie solaire

 

L’in­ven­teur français compte plusieurs inno­va­tions majeures à son actif. Il a conçu un concen­tra­teur solaire para­bo­lique pour chauf­fer de l’eau et produire de la vapeur. Il a construit une machine solaire utili­sant cette vapeur pour action­ner une pompe, démon­trant ainsi l’ap­pli­ca­tion méca­nique de l’éner­gie solaire. Toujours en quête de nouvelles appli­ca­tions, Mouchot arrive à Alger le 6 mars 1877 pour travailler avec l’ar­mée colo­niale. Il teste sans tarder un four solaire amélioré : un réflec­teur conique tronqué et, servant de chau­dière, un pot métal­lique cylin­drique en verre placé au centre du réflec­teur. L’en­semble pèse de treize à dix-huit kilos ; il peut être plié et rangé dans une caisse de 130 cm². Devant témoins, Mouchot a cuit une livre de pain en quarante-cinq minutes, neuf cents grammes de pommes de terre en une heure, un ragoût de bœuf en trois heures, et un rôti en moins de trente minutes !

Le premier chauffe-eau solaire à la vente

 

En 1882, le physi­cien Samuel P. Langley utilise une boîte solaire pour chauf­fer de l’eau lors de son ascen­sion du mont Whit­ney, en Cali­for­nie, par un temps extrê­me­ment froid. En s’ins­pi­rant de cette expé­rience, l’Amé­ri­cain Clarence Kemp brevette, en 1891, une méthode combi­nant l’ex­po­si­tion de réser­voirs métal­liques au soleil avec l’ef­fet de serre, de manière à amélio­rer la collecte et la réten­tion de la chaleur solaire. Il nomme son inven­tion Climax, pour en faire le premier chauffe-eau solaire destiné à la vente.

Une pendule « éter­nelle »

 

En 1950, la maison gene­voise Patek Philippe lance une nouvelle pendule. Alimen­tée grâce à des cellules solaires au sélé­nium, elle asso­cie une horloge méca­nique conven­tion­nelle à un moteur photo­élec­trique. La petite quan­tité d’élec­tri­cité produite est envoyée direc­te­ment au moteur, qui fait tour­ner un engre­nage pour remon­ter le ressort. Quatre heures de lumière suffi­raient à son fonc­tion­ne­ment. Cette inven­tion a précédé de plusieurs années le premier mouve­ment auto­ma­tique pour montre-brace­let.

Une petite auto­mo­bile solaire

 

Le 31 août 1955 au salon auto­mo­bile Powe­rama, à Chicago, William G. Cobb, employé chez Gene­ral Motors, présente Sunmo­bile, la première auto­mo­bile minia­ture alimen­tée par l’éner­gie solaire. Elle mesure trente-huit centi­mètres de long et intègre douze cellules photo­élec­triques en sélé­nium.

Le premier poste radio solaire

 

En avril 1956, la marque améri­caine Admi­ral lance la série 7L des premières radios portables à tran­sis­tors alimen­tées à l’éner­gie solaire. Dispo­nibles en quatre couleurs, ces radios coûtent 59,95 dollars et fonc­tionnent avec des piles, ou grâce au Sun Power Pak option­nel pour une alimen­ta­tion directe par la lumière du soleil ou une ampoule incan­des­cente. Ce modèle de radio, équipé de trente-deux cellules solaires en sili­cium, est un des premiers produits photo­vol­taïques grand public. Malgré l’en­thou­siasme initial, ses ventes sont déce­vantes en raison du prix élevé. Aujour­d’hui, la série 7L avec ses panneaux solaires, bien que rare, fonc­tionne encore très bien.

La Solar Do-Nothing Machine pour jouer

 

En 1957, à la demande de l’en­tre­prise améri­caine Alcoa (Alumi­num Company of America), les desi­gners Charles et Ray Eames conçoivent un jouet : des formes colo­rées tournent et oscil­lent grâce à des moteurs alimen­tés par un petit panneau solaire. Des miroirs sont utili­sés pour concen­trer la lumière sur les cellules solaires. L’en­semble est réalisé en alumi­nium. La Solar Do-Nothing Machine vise à promou­voir l’in­gé­nio­sité états-unienne et à entraî­ner les gens vers un avenir posi­tif.

Le premier satel­lite à éner­gie solaire

 

En 1955, le Naval Research Labo­ra­tory réflé­chit à l’uti­li­sa­tion de l’éner­gie solaire pour alimen­ter des satel­lites. La légè­reté, la dura­bi­lité et le carac­tère renou­ve­lable des panneaux photo­vol­taïques en font des maté­riaux parti­cu­liè­re­ment adap­tés aux appli­ca­tions spatiales. L’ex­pé­ri­men­ta­tion se concré­tise avec le lance­ment du satel­lite Vanguard 1 le 17 mars 1958. Bien qu’il soit le quatrième satel­lite arti­fi­ciel lancé depuis la Terre, équipé d’un petit panneau solaire d’un watt envi­ron, Vanguard 1 est le premier à utili­ser l’éner­gie solaire et à prou­ver la viabi­lité de l’éner­gie solaire dans l’es­pace. Grâce à lui, d’autres satel­lites améri­cains fonc­tion­ne­ront pendant des années dans l’en­vi­ron­ne­ment hostile de l’es­pace, ouvrant la voie à de futures inno­va­tions dans le domaine des éner­gies renou­ve­lables.

Le premier avion solaire

 

Le 4 novembre 1974, les frères Roland A. et Robert J. Boucher font voler le premier avion solaire sans pilote, baptisé Sunrise, au-dessus du désert des Mojaves, en Cali­for­nie. Le premier vol dure vingt minutes à cent mètres d’al­ti­tude. L’avion dispose de 4 096 cellules solaires sur son aile pour une puis­sance de 450 W. Son succès mène à la construc­tion du Sunrise II en 1975, financé par la Defense Advan­ced Research Projects Agency (Darpa). Ce nouvel avion, d’une enver­gure de 9,75 mètres, iden­tique au premier modèle, est équipé de 4 480 cellules solaires pour une puis­sance de 600 W, et d’un système de batte­rie pour son contrôle. Il a effec­tué, avec succès, plusieurs vols avant d’être endom­magé par une tempête de sable.

La première calcu­la­trice solaire à visée commer­ciale

 

Première calcu­la­trice solaire à être produite en série, la Sharp Sunman EL-8026 utilise des cellules à couches minces à peine déve­lop­pées. Elle est une version amélio­rée du modèle EL-8020, munis de piles. Son design distinc­tif présente deux modules solaires Sharp EL-225 montés à l’ar­rière, orien­tés à l’op­posé de l’écran. Le module anté­rieur, l’EL-224, était conçu pour des infra­struc­tures profes­sion­nelles plus grandes, tels les phares et les instal­la­tions hors réseau.

L’ex­ploit de la Quiet Achie­ver

 

Conçue par l’in­gé­nieur et aven­tu­rier austra­lien Hans Thol­strup, la Quiet Achie­ver est une voiture solaire restée dans l’his­toire. Elle a réussi à parcou­rir une distance de quatre mille kilo­mètres à travers l’Aus­tra­lie, de Perth à Sydney, entre le 19 décembre 1982 et le 7 janvier 1983. Cette traver­sée, réali­sée par Hans Thol­strup et le pilote auto­mo­bile Larry Perkins, est un exploit majeur, prou­vant la capa­cité de la voiture solaire à parcou­rir de longues distances grâce à l’éner­gie solaire.

Des cellules solaires dans les vête­ments

 

Wearable Solar est un projet de recherche sur les possi­bi­li­tés d’in­té­gra­tion de cellules solaires dans les textiles. Deux modèles en parti­cu­lier ont été créés en 2013 : le Wearable Solar Dress et le Wearable Solar Coat. Septante-deux cellules solaires flexibles à couches minces sont fixées en paires sérielles, main­te­nues par des fentes dans le cuir de la robe. Cette dispo­si­tion lui permet de tomber libre­ment, rédui­sant la contrainte méca­nique sur les cellules. Les proto­types en cuir ou en laine (manteau) peuvent révé­ler les cellules solaires au soleil ou les replier pour les rendre invi­sibles. La struc­ture interne des modules solaires, réali­sée par super­po­si­tion, imite les cellules stra­ti­fiées du corps humain, inter­agis­sant natu­rel­le­ment avec la lumière du soleil et trans­for­mant le corps en une source d’éner­gie renou­ve­lable. Une heure de plein soleil permet ainsi de rechar­ger un smart­phone de moitié. Pauline Van Dongen, créa­trice néer­lan­daise de mode, Chris­tiaan Holland, chef de projet au Gelder­land Valo­ri­seert de l’Uni­ver­sité des sciences appliquées d’Arn­hem (HAN), et Gert Jan Jonger­den, expert en éner­gie solaire, sont à l’ori­gine de ce projet.

Homme utilisant un miroir ardent Yang Sui pour cuire des aliments. Image extraite d'une animation présentée dans l'exposition "The Sun : Living with Our Star"

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Reconstruction d’un miroir ardent d’Archimède, supposé avoir été conçu pour brûler la flotte romaine attaquant Syracuse en 212 av. J.-C., tirée de Apiaria universae philosophiae mathematicae

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Le concentrateur parabolique d’énergie solaire d’Augustin Mouchot est présenté à l’Exposition universelle de 1878 à Paris. Il produit de la glace, obtenue à l’aide d’un jet de vapeur dirigé dans un appareil à ammoniaque. Mouchot y expérimente également la conversion de l’énergie solaire en courant électrique. Images tirées du Monde Illustrée, 1878.

© Gallica

Horloge présentée dans un article de Europa Star Eastern Jeweller 18, 1953.

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Article tiré de Popular Science, n°inconnu, 1955, p156

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© Courtoisie du Solar Museum

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Illustration de Vanguard 1 dans l’espace

© Nasa

Lancement de Sunrise II

© Courtoisie de Robert Boucher

© Courtoisie du Solar Museum

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© Pauline van Dogen