Archives du Design Romand. Quels récits ?
Archives du Design Romand. Quels récits ?
13.09.2024 – 09.02.2025
Le projet des Archives du Design Romand a été avant toute chose une série de rencontres enrichissantes consacrées au design industriel, au design graphique, en passant par l’horlogerie, la mode et le design d’interaction. Ces formes ont trouvé en Suisse romande un terreau fertile pour se développer, tant sur le plan de la création que de la transmission.
Le mudac a donné la parole aux actrices et acteurs concernés : designers, historien·ne·s ou journalistes qui ont pris part à divers conférences, interviews et tables rondes. Échelonnées au fil des mois d’exposition, ces rencontres se sont articulées autour de 6 thématiques développées ci-dessous.
Le studio de design oio a conçu pour ce projet un système d’archivage qui collecte documents et interviews pour explorer, grâce à l’intelligence artificielle, les possibilités inédites de ce que pourrait être l’archivage du futur.
Prémices d’un projet d’envergure, il s’agissait d’une opportunité d’accompagner le mudac dans la réflexion du développement d’un nouveau département entièrement dédié au design romand.
Commissariat | Marco Costantini |
Collaboratrice scientifique | Diane Maechler |
Scénographie | Cécile + Roger mudac : Magali Conus, Camille Némethy |
Design graphique | Cécile + Roger |
© Cécile + Roger
1. Le rêve du design
Qu’est-ce que le design ? Cette question, posée dès 1969 en Romandie, traversait le premier chapitre de l’exposition du mudac. En projetant une vidéo d’archive de l’émission En marge de la RTS, le musée mettait en évidence comment, au sein du territoire local et au-delà, le design, alors étroitement lié à l’ingénierie, interrogeait déjà son propre rôle et ses contours. À travers des domaines variés, tels que le design industriel, le bijou, la céramique, l’horlogerie et le design thinking, la discipline esquissait un rêve : celui de dépasser les frontières préétablies.
Le 9 novembre 2024, le mudac a accueilli Alexandra Midal pour une conférence qui visait justement (re)définir ce qu’est le design. Cet événement marquait l’inauguration des Archives du Design Romand et avait pour objectif de répondre à cette question à la fois récurrente et fondamentale de la discipline. Alexandra Midal a interrogé les fondements du design en revisitant ses enjeux historiques et contemporains. Cette intervention a contribué à enrichir la réflexion sur les pratiques muséales et à affiner la stratégie d’archivage du mudac.
© Cécile + Roger
2. Préserver l’histoire et l’héritage des écoles de design
L’exposition explorait la préservation de l’histoire des écoles de design en Romandie, telles que l’écal et la HEAD. Elle présentait des archives extraites des fonds de l’École des métiers de Lausanne et mettait en avant le projet de l’écal Au doigt et à la baguette !, qui réinventait la baguette de chef d’orchestre à travers 40 prototypes. Ce projet illustrait le rôle des écoles et des musées dans l’encouragement de l’expérimentation créative, en dehors des circuits commerciaux traditionnels.
Le 28 octobre 2024, le mudac a accueilli des directrices et directeurs et des enseignant·e·s des hautes écoles de design pour des tables rondes, ainsi qu’une conférence intitulée « Du dessin au design, l’invention d’un enseignement entre création et production ». Animée par Benoît Versace, professeur en Culture Design à l’IPAC Design de Genève, cette présentation a retracé l’évolution de l’enseignement du design en Romandie.
© Cécile + Roger
3. Du Musée industriel au mudac à Plateforme 10
Le mudac, installé à Plateforme 10 depuis 2022, est l’héritier d’une riche histoire institutionnelle. Son évolution, à travers divers changements de noms et d’emplacements, reflète une évolution du design. Anciennement Musée industriel, puis Musée des arts décoratifs, l’institution a élargi ses collections pour inclure les disciplines variées que regroupe aujourd’hui le design. Au sein de l’exposition, la présentation des œuvres témoignait de cette transformation et mettait en lumière les pièces iconiques de chaque période.
Le 30 octobre 2024, Isaline Delederay-Oguey, chargée d’enseignement à l’Institut d’histoire de l’art et de muséologie de l’Université de Neuchâtel, a donné une conférence passionnante sur l’histoire des musées d’art industriels aux XIXe et XXe siècles.
Cette dernière a été suivie par une table ronde intitulée L’héritage du mudac, réunissant Chantal Prod’Hom, ancienne directrice du mudac de 2000 à 2022, et Anic Zanzi, conservatrice à la Collection de l’Art Brut, autrice d’un mémoire sur le Musée des arts décoratifs de Lausanne. La discussion a permis de saisir des informations clés de l’histoire institutionnelle et de recueillir le témoignage de l’ancienne directrice sur la vision et les ambitions qu’elle portait au musée.
© Cécile + Roger
4. Quelles approches et pratiques pour archiver le Design Romand ?
Le mudac enrichit sa collection en intégrant croquis, dessins techniques et prototypes de designers, éclairant le processus créatif et les recherches accompagnant chaque œuvre. Cette démarche vise à documenter l’évolution des projets et à générer des récits autour des pièces. Ce chapitre de l’exposition interrogeait aussi les méthodes possibles pour réunir les Archives du Design Romand et pour débuter la reconstitution de son histoire.
Le mudac a invité des archivistes spécialisé·e·s et organisé une table ronde le 21 novembre 2024 sur l’accessibilité des archives horlogères. France Terrier (Arc Horloger), Martine Depresle (The Watch Library) et François Simon-Fustier (Chronospedia) ont présenté leurs projets innovants sur la question. Ces échanges ont mis en évidence l’avancée significative du design horloger en Romandie en matière d’archivage et de transmission, offrant un contraste saisissant avec d’autres domaines du design encore en développement.
© Cécile + Roger
5. Politique de la mémoire : (in)visibilité des designers
Le projet des Archives du Design Romand a amené le mudac à réfléchir à la représentation des femmes et des minorités de genre dans le design. Historiquement sous-représentées, elles sont davantage présentes dans la peinture sur céramique et le bijou contemporain. Le mudac a pour l’occasion choisi d’exposer le projet Spirits. Excellent for the head, qui célébrait les designers femmes et mettait en lumière l’importance de préserver leur héritage, soulevant des questions sur les stratégies de conservation et d’archivage.
Le 5 décembre 2024, une table ronde sur la politique de la mémoire a réuni trois intervenantes : Front Row, plateforme de Tara Mabiala et Camille Farrah Buhler, qui déconstruit les récits traditionnels de la mode ; Eleonora Del Duca, historienne de l’art féministe ; et Bertille Laguet, designer industrielle et forgeronne. Elles ont exploré les stratégies pour inscrire cette mémoire au sein de l’institution muséale. L’événement s’est conclu par une dégustation du cocktail du projet Spirits. Excellent for the head.
© Cécile + Roger
6. Quel futur pour l’héritage du design ?
L’exposition interrogeait l’avenir de l’héritage du design en Suisse romande. Il s’agissait de déterminer quels éléments conserver pour les futures chercheuses et futurs chercheurs. Le mudac explorait la possibilité d’une intégration de l’intelligence artificielle (IA) pour enrichir les archives et faciliter la recherche. En collaboration avec le studio oio, un prototype interactif a été créé pour examiner comment l’IA et les archives peuvent se compléter dans la préservation du design.
Le mudac a accueilli 17 designers de générations et de domaines différents pour archiver leur travail dans le studio oio, installé sur le plateau d’exposition. Les interviews, réalisées avec un membre de la conservation du musée et l’IA « Le Curieux » sous forme de robot, ont été recueillies durant les mois d’ouverture de l’exposition. Ces échanges offraient un aperçu des processus créatifs et des archives personnelles des designers. Le 25 janvier 2025, une table ronde avec le studio oio et Anthony Masure, responsable de la recherche à la HEAD, a également été prévue afin de déterminer comment appréhender l’héritage du design romand à l’aune des avancées technologiques.